De retour de cette expérience exceptionnelle, il m’a fallu quelques jours pour réaliser ce que je venais de vivre ! Lorsque la ligne d’arrivée de la dernière étape est franchie, la course n’est pas encore tout à fait terminée…
Pour revenir sur ce mois de course intense, je vais reprendre depuis le début !
Première étape (Saint Nazaire – Lorient) : les premières fois
C’était la première fois que je prenais le départ d’une course d’une telle renommée ! Impressionnée par l’évènement autour de la course, le village, le monde, les obligations de briefing, de sécurité ou médiatiques… La pression monte !
C’était la première fois que je traversais le Golfe de Gascogne en course, la première fois que je passais plus de 2 nuits seule en mer (l’étape a duré 4 jours et 4 nuits), la première fois que je vivais les vacations de la direction de course en mer (2 fois par jour, la direction de course nous appelle pour nous donner la météo, le classement, et vérifier que tout va bien à bord)… Je découvrais la gestion du sommeil, de l’alimentation, de la météo sur d’aussi longues périodes !
Il faut savoir que une des particularité de cette course est que nous partons en solitaire et sans assistance extérieure. Nous n’avons aucun contact avec la terre et comme seuls moyens de communication :
– la VHF qui nous permet de communiquer avec les autres concurrents, avec la direction de course ou avec les sémaphores.
– le téléphone IRIDIUM (satellite) qui nous permet de communiquer avec la direction de course ou les médias, si nous ne sommes pas à portée de VHF.
C’était la première fois que je devais gérer des imprévus pas toujours très rigolo toute seule (J’ai dû me débrouiller avec seulement 1,5L d’eau pour terminer les 36 dernières heures de course suite à une fuite malencontreuse d’un de mes bidons)
C’était aussi la première fois que je vivais une arrivée d’étape ! Où la pression retombe lorsque l’on passe la ligne, la fatigue se fait sentir, et la joie de toucher terre et de retrouver les proches venus m’accueillir ! La première fois que je devais répondre à des interviews !
C’est d’ailleurs la première fois que je passe sur le plateau du Café de la Marine ! Aux côtés de Xavier Macaire et Tom Dolan, le vainqueur de l’étape et le premier étranger : un honneur ! L’émission est à revoir ICI
Je termine à une belle 20ème place, à la bagarre avec le paquet pendant toute la durée de l’étape !
Deuxième étape (Lorient – Fécamp) : remontée de la manche
Cette étape était la plus courte (3 jours et 4 nuits), mais sans aucun doutes la plus intense ! Difficile physiquement, pour les organismes, difficile stratégiquement, et par la force des choses, difficile mentalement !
Ca a commencé fort, avec un petit parcours intense entre Lorient et Groix : un beau spectacle pour les spectateurs, un sacré défi pour les coureurs car il a fallu sortir toutes les voiles en un temps record !
Pas de répit ensuite :
– Un grand aller-retour Rochebonne (en face de la Rochelle) – Raz de Sein avec un vent forcissant et à des allures portantes : le bateau glisse et accélère, il y a de l’eau partout, mais il faut être sur les réglages toute la nuit pour être compétitif ! Pas très reposant !
– Arrivé au Raz de Sein, le vent tourne, et nous entamons une grande remontée de la Manche au près qui durera jusqu’à Fécamp
Plusieurs dilemmes :
– Rester longer la côte ou naviguer au large, au bon moment avec le courant ?
– Traverser ou non le rail des Cargos ?
– Passer au Sud ou au Nord de Guernesey ?
Au passage du Raz Blanchard, je suis un peu en retard et me retrouve à contre courant : il faut alors se faufiler dans de tout petits espaces entre les rochers à l’intérieur du phare de la Hague ! Heureusement que notre GPS est précis ! C’est impressionnant !
Pourquoi c’est physique ?
Nous remontons vers le vent, dans un vent soutenu. A chaque virement de bord, nous devons déplacer plus de 100kg de matériel d’un bord à l’autre pour équilibrer le bateau… Et nous enchaînons un nombre incalculable de virements de bords pendant 250 miles nautiques (environ 400km !)
Je passerais en pleine nuit dans la rade de Cherbourg pour profiter d’un courant favorable, un moment marquant de ma course ! Puis il faut encore slalomer entre les casiers, les algues, les pêcheurs, les cargos… Se bagarrer le long des falaises avant d’arriver enfin à Fécamp !
A l’issu de cette étape, je suis 23ème au classement général !
Troisième étape (Fécamp – Roscoff) : du paradis à l’enfer
Une étape incroyable, pleine de rebondissements ! J’ai vécu les montagnes russes pendant toute la durée de l’étape (4 jours et 4 nuits)
- Un super départ à Fécamp, je pars pour traverser la manche à la bagarre avec les 10 premiers !
- Dégringolade côté Angleterre, je tombe dans une bulle sans vent et vois tous mes concurrents me passer devant
- Option Sud Casquets, à la pointe Normande il faut choisir de passer au Nord ou au Sud de la Zone interdite. Avec seulement quelques bateaux, nous passons au Sud : Prise de risque ! Les deux options seront finalement équivalentes et nous nous retrouvons à la pointe Ouest de l’Angleterre
- Remontada en Mer Celtique ! Grâce à une option un peu osée, je fais une belle remontée le long de la côte Anglaise, et contourne l’île de Lundy à nouveau dans le paquet de tête !
- Je perds tout dans la nuit, la fatigue me rattrape, je commence à avoir des hallucinations, à entendre des voix, je décide donc d’aller dormir. Ca me coûte cher, forcément et mes petits concurrents en profitent ! Me voilà donc en queue de peloton au passage des îles Scilly, tout reste à faire.
- Une traversée de la Manche aux avants postes, m’étant reposée pendant la nuit, j’ai l’esprit clair ! Je tire les bons bords, négocie de la bonne manière les bascules de vent et de courant, tient bon face aux attaques de mes concurrents ! J’arrive aux portes de la Baie de Morlaix en 5ème position !!
- La désillusion finale
A moins de 1 mile de l’arrivée, je percute un rocher… Je passe alors de l’euphorie d’arriver 5ème en Baie de Morlaix, où j’ai démarré la voile toute petite, au désespoir de voir peut être toute ma course s’arrêter là. Après quelques tentatives pour m’en sortir par mes propres moyens, je me rend vite compte que je n’y arriverais pas seule, la mer descend et mon bateau se retrouve dans une position de plus en plus délicate… Pour ne pas tout casser et espérer pouvoir réparer et repartir sur la 4ème étape, je demande de l’aide. Le bateau est sauvé, mais je suis disqualifiée pour assistance.
Une incroyable solidarité se met en place. Les préparateurs s’occupent de mon bateau, le Team Vendée vient en renfort, je reçois des centaines de messages de soutien, et tout ça me rebooste pour repartir en course pour la 4ème et dernière étape !
4ème étape (Roscoff – Saint Nazaire) : la plus longue !
Le repos a été de courte durée à Roscoff. 3 jours pour retrouver mes esprits après toutes ces émotions, me soigner (je me suis déplacée une côte au moment de l’impact), soigner le bateau, préparer l’étape suivante (météo, avitaillement…)
Une sortie de la Baie en grande pompe ! Un petit parcours spectacle nous avait été concocté avant de prendre le large vers l’Irlande.
Cette mésaventure m’a donné de l’énergie et une furieuse envie de revanche ! Je prend un super départ et sors de la Baie en passant devant ce fichu rocher en 3ème position !!
La suite sera un peu plus difficile, mes choix stratégiques ne seront pas les meilleurs et sur cette étape il y aura moins de possibilités de revenir aux avants postes. Avec un petit paquet de bateaux, nous nous faisons rattraper par une bulle sans vent et arrivons à Saint Nazaire avec 12h de retard sur nos prédécesseurs… Coup dur pour le classement général !
Une autre des particularités de cette course est qu’elle se court au temps. Les temps de chaque étape sont additionnés et le vainqueur est celui qui aura mis le moins de temps à effectuer la totalité du parcours. La régularité paie !
Bilan et perspectives !
Même si le résultat final n’est pas forcément à la hauteur de ce que j’avais imaginé, je sort grandie de cette expérience !
J’ai appris énormément de choses, à la fois en terme de navigation, de technique, de météo, mais aussi en terme de connaissance de soi, mon sommeil, mon alimentation, mes émotions… Je me suis rendue compte du chemin parcouru cette année, et de celui qui reste encore à parcourir. J’ai pris conscience que j’ai ma place dans ce petit milieu, et que j’ai maintenant envie de me fixer des objectifs et d’aller chercher de la performance ! J’ai envie de voir plus loin dans cette passion qui m’anime !
Retrouvez la revue de presse ici :